Interview de Stephane Desienne
Vous avez pu lire nos différentes chroniques de sa série numérique Toxic sur le blog. Et justement, cette lecture nous a donné envie d’en savoir plus sur l’auteur, ses motivations, ses inspirations, mais aussi ses projets. Interview.
Cette interview a été réalisée en mars 2013 pour limaginaria.wordpress.com
Felixita : Bonjour Stéphane, pour commencer, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Stephane Desienne : Avant tout, je suis fan de SF depuis mon enfance. J’ai commencé avec des fleuve noir d’occasion achetés chez un bouquiniste. Puis j’ai découvert les classiques. L’envie ( et le courage ) d’écrire est venue bien plus tard. Aujourd’hui, j’ai la quarantaine, je suis papa de deux loulous, je bosse dans un organisme de recherche et… je suis devenu auteur.
F : On vous a découvert avec le feuilleton Toxic, publié chez Studio Walrus, mais est-ce votre premier texte ? Quel est votre parcours littéraire ?
SD : Comme beaucoup, j’ai commencé avec quelques nouvelles.
Dealer d’iceberg a été publié aux presses de l’ENSTA à l’occasion du concours de nouvelles 2012 » Eaux d’ici, eaux de là « . Pour la petite histoire, le personnage d’Hector sort directement de cette histoire d’eau dans laquelle il est déjà un trafiquant.
Faces Cachées a été publié dans l’AOC n°28 ( paru en mai 2013 ).
Hérésie Minérale a été publié sur le blog Chroniques Stellaires.
Toxic est mon premier texte long qui a trouvé le chemin de l’édition.
F : Toxic est donc un feuilleton numérique. Pourquoi ce choix du feuilleton et en numérique plutôt qu’un seul roman papier par exemple ?
SD : Quand j’ai commencé le travail sur ce qui s’appelait alors « L’humanité sur un plateau « , le numérique s’est présenté comme le format idéal pour une sorte d’ovni mêlant aliens et zombies. Nous discutions beaucoup de » webséries littéraires « , du renouveau du format novella en numérique sur le forum cocyclics. Cela a agi comme un déclic, l’occasion de se lancer sur ce terrain.
Je suis tout de suite allé vers le numérique et un découpage en épisodes. Je me disais aussi que trouver un éditeur pour ce genre de » folie » serait une tâche compliquée, alors j’avais ébauché un plan B pour l’auto-édition. C’est ainsi devenu une série à épisodes exclusivement pour tablettes et liseuses, à lire un peu partout, en transport, dans la salle d’attente du médecin ou chez soi dans son canapé. La série serait sortie de toute manière, mais l’éditeur a apporté des plus values essentielles : expérience, réseau, aide, conseil, logistique, etc.
F : Pouvez-vous nous parler de cette saga, comment est-elle née, combien d’épisodes compte-t-elle ( si elle est achevée dans votre imagination ), ce que peux nous réserver la suite etc…. ?
SD : Le projet est né dans la salle de sport. Entre » The Walking Dead » que je découvrais, la fin d’un texte sur l’Apocalypse, les discussions sur le forum cocyclics, l’idée s’est glissée dans mon esprit sous forme de scènes et de personnages puis elle s’est installée avec une ébauche de concept qu’il a fallu coucher sur le papier. Après un mois de travail sur le synopsis détaillé, j’avais le plan de la saison une et de ses six épisodes.
Quand j’ai obtenu un ensemble bien ficelé, je me suis lancé dans la production de l’épisode 1. Dans ma tête, je sais en gros comment cela va finir et il est clair qu’un status quo ante n’est possible ni pour les humains, ni pour les aliens. La saison 1 va s’achever de façon terrible pour tous les protagonistes ce qui impose de facto une saison 2. L’expression » rien ne sera plus jamais comme avant » est très à propos.
F : Il n’est pas courant de mélanger deux styles aussi extrêmes comme vous le faites ( Toxic mélange en effet des Zombies et des Aliens ), quelles sont vos inspirations pour ces deux versants d’une même histoire ?
SD : J’avais travaillé le versant alien dans un projet précédent, avec un patchwork de races, de nombreux mondes, une forme de gouvernance basée sur la prospérité mutuelle et le commerce pacifique entre espèces. Avec les aliens de Toxic, j’ai accentué à l’extrême le côté » commercial « . Ils n’ont rien contre les humains : ce n’est que business. Les inspirations sur les E.T. me viennent de Star Trek, Babylon 5, Farscape.
J’ai visionné mon comptant de films d’horreur durant mon adolescence, le côté zombie s’est révélé » plus facile « , mais également plus « piégieux » dans le sens où dans la plupart des écrits ou des films, les zombies ne sont que de la chair à canon, un prétexte pour mettre des survivants dans de sales draps. J’ai souhaité une situation différente pour ces créatures. Tant que l’humanité reste à l’état de zombie, elle survit. D’une certaine manière, c’est un moindre mal, parce que l’alternative — servir de bouffe pour les aliens — ne présente aucune issue.
F : On trouve dans Toxic des passages en langues étrangères ( espagnol, Swahili, et même alien ), ses passages sont-ils réellement traduisibles ou bien sont-ils inventés de toute pièce ( je pense notamment au swahili et surtout à la langue des aliens ) ? Tenezvous un document avec les traductions de toutes ces langues ?
SD : À l’exception des passages en langue alienne — pure invention de ma part —, ils sont réellement traduisibles. Pour ça nous vivons dans une époque géniale : je peux interroger google translate, trouver un dictionnaire français-swahili sur le net, poser des questions aux spécialistes sur des forums, vérifier des jurons en espagnol…
Avant je serais certainement allé dans une bibliothèque, j’aurais fouillé le rayon réservé aux dicos, mais là ça ne me prend que quelques minutes depuis chez moi. Par contre, dénicher un traducteur de russe romanisé s’est révélé plus ardu que je l’avais imaginé.
F : Vous publiez votre série chez Walrus. Comment s’est passée votre recherche d’éditeur ? Puis votre choix sur celui-ci ?
SD : J’ai eu de la chance : ils m’ont devancé. Cela dit, Walrus figurait sur la liste des éditeurs à solliciter que j’avais établie.
Le directeur de collection a eu vent, par le biais du forum cocyclics, du projet » zombies » sur lequel je travaillais. Ils étaient à la recherche de textes SFFF. J’ai donc reçu un message disant : ce genre de texte nous intéresse, pourrait-on en discuter ?
J’ai envoyé un résumé en quelques lignes et un état d’avancement du projet. Je les ai orientés vers mon fil challenge cocyclics pour le développement de l’histoire et la lecture de quelques extraits.
Rapidement, ils ont voulu estimer le travail ( volume, qualité de l’écrit, corrections à envisager… ), j’ai transmis le synopsis détaillé, le premier jet de l’épisode 1, puis celui de l’épisode 2. Ils m’ont proposé alors une réservation de la série avant le contrat proprement dit qui est intervenu plus tard, une fois les choses bien élaguées.
J’avais short listé plusieurs maisons d’édition, et au tout début, je n’imaginais pas entamer la recherche d’un éditeur avant la fin de l’année voire 2013. J’avais mis Numériklivres et Walrus en tête, leurs catalogues m’avaient bien plus et je m’étais renseigné sur » mes cibles » potentielles. Je suis très content de bosser avec eux, il y a un état d’esprit que j’aime bien, de bons textes ( Jésus contre Hitler, les boites de Schrodinger, Je suis rage, Emile Delcroix, … ).
F : Comment se passe la collaboration avec votre éditeur ? Avez-vous des délais pour rendre vos textes ? Vous impose-t-il un nombre d’épisodes, une couverture? Ou bien au contraire est-ce très libre ?
SD : Ça se passe à merveille : les épisodes effectuent plusieurs allers-retours avant l’épreuve finale. Le directeur de collection met les soucis en évidence, souligne mes travers, mes erreurs et à moi de trouver des solutions, de me corriger. Je peux également proposer des choses, m’écarter un peu du scénario d’origine. Il y a deux ou trois sessions de correction avant la traditionnelle chasse aux coquilles puis une ultime révision de l’ebook.
L’éditeur n’impose pas un nombre d’épisodes. J’étais parti sur 6, on est resté sur ce chiffre pour la saison 1. En revanche, l’éditeur suggère des évolutions par exemple : la mort d’un personnage principal. Je fais un piètre graphiste : je m’en suis remis à leur expérience pour la couverture et le résultat m’a enchanté. Quant aux délais, on s’est calé sur un tempo : un épisode en publi, un en correction, un en production.
Actuellement, le 3 a été publié, le 4 est en seconde correction, le 5 vient d’entrer en production.
F : Vous avez été parmi les premiers auteurs à se lancer dans l’aventure adopteunauteur.com . Quel( les ) raison( s ) a motivée ce choix et que pensez-vous de ce type d’initiatives ?
SD : » L’évolution » numérique se situe aussi du côté auteur de la tablette ou de la liseuse. Posséder un blog ou bien une page sur les réseaux sociaux, dialoguer sur twitter, ça fait partie du jeu, de la relation qu’on établi avec les lecteurs, les lecteurs-blogueurs, ceux qui nous lisent, ceux qui sont curieux, ceux qui posent des questions, les amis, les professionnels, les anonymes qui vient s’abonner pour suivre ce qui se passe, etc.
Adopteunauteur.com est une démarche qui a du sens. Il s’agit d’échange entre auteurs et lecteurs, ça me parle. Potentiellement, un auteur se trouve maintenant à un clic de son lectorat. En commentant sur les réseaux et les libraires en lignes, les lecteurs participent désormais de manière active à la promotion d’un texte. Ils font savoir qu’ils aiment un roman, une nouvelle, des écrits longs ou courts. La situation rapproche les auteurs et les lecteurs, des dialogues s’ébauchent autour du texte, cela créé une sorte de bulle.
F : Enfin, quels sont vos projets pour votre avenir littéraire ? Que peut-on vous souhaiter pour cette année 2013 ?
SD : C’est plutôt bien rempli.
Dans l’immédiat, les épisodes 5 et 6 de Toxic vont m’occuper jusqu’à l’été.
Mon prochain texte : une novella sur l’Apocalypse au Nouveau Vatican est pratiquement prête. Puis, j’ai la Terre en Jachère à achever. Je garde deux nouvelles sous le coude avec des zombies.
Il y aura la saison 2 de Toxic à préparer.
J’ai terminé le synopsis d’Exil, une série en 7 épisodes qui pourrait voir le jour en fin d’année.
Sinon pour 2013 : plein de lecteurs et lectrices intoxiqués !