La Marque, de Jacqueline Carey

La-marque

La Marque, de Jacqueline Carey (tome 1 de la série Kushieléditions Bragelonne)

La jeune Phèdre est vendue très tôt par sa mère. L’enfant, qui possède l’horrible défaut d’avoir une tache dans un oeil, n’a à première vue que peu de valeur. Pourtant, arrive un jour un homme d’une intelligence rare, Delaunay, qui saura voir en elle l’inestimable don qui l’habite. Devenant à la fois courtisane et espionne, Phèdre va voir son destin bouleversé lorsqu’un tragique accident la jette sur la route de son pays. Sa patrie, ses valeurs et son essence même ne semble plus dépendre que d’elle.

Je dois d’abord commencer cette chronique en expliquant le sentiment de fierté que j’ai ressenti lorsque j’ai enfin refermé l’ouvrage. L’imposant volume de près de 800 pages, m’a donné bien du fil à retordre. Il n’est pas évident de manier un tel morceau. Je ne l’ai pas pesé mais il dépasse assurément le kilo. De ce fait, le lire n’est pas franchement aisé, et j’ai de nombreuses fois eu l’impression de ne pas avancer tant les pages se tournent à la lenteur d’un escargot (le texte est écrit en tout petit). Ce sentiment de victoire sur le livre est donc assez rare pour être souligné. Sachez cependant que si vous décidez de vous lancer à l’assaut de ce titre, vous n’allez pas le regretter. Armez vous seulement de courage et de bras musclés.
Attardons nous sur le livre, à présent.
J’ai découvert cette série un peu par hasard il y a longtemps de cela. J’avais été attirée non seulement pas la couverture, mais aussi par son résumé original qui promettait de nous présenter « une héroïne que vous n’oublierez jamais ». Même si je suis toujours un peu sceptique sur ce genre de formules marketing, je me suis laissée tenter.
Cette histoire est véritablement unique. A aucun moment je ne me suis dit qu’elle me faisait penser à autre chose.
Le récit nous est raconté à travers les yeux de l’héroïne, ce qui présente l’avantage d’être très vivant (elle distille des petites intervention personnelles qui rendent le récit très crédible) mais aussi l’inconvénient de ne pas nous faire nous inquiéter pour elle. Puisqu’elle raconte l’histoire, on se doute qu’elle va survivre à toutes les aventures narrées. Cependant, il n’en est pas de même pour les autres personnages et je me suis vraiment attachée à eux. Plusieurs d’entre eux, les hommes surtout, m’ont émus. Je pense principalement à Joscelin et Hyacinthe. La galerie de personnages est si fournie que je me suis perdue plusieurs fois avant d’entrer complètement dans cet univers très vaste qu’est Terre d’Ange. Jacqueline Carey a réussi l’exploit d’inventer totalement un univers complet, vaste, dans lequel il est assez difficile d’entrer mais qui se révèle magique une fois que l’on y est.
Car effectivement, cette lecture n’est pas une lecture « facile ». Il faut se concentrer sur toutes les phrases tant la richesse du style vous donne des informations. Beaucoup de choses sont à assimiler si l’on veut prendre conscience de l’ampleur de l’univers et de l’épaisseur de l’histoire. Il m’a fallu plusieurs fois revenir en arrière pour relire un passage qui me semblait crucial pour la suite afin de ne pas me retrouver larguée. Heureusement je crois m’en être plutôt bien sortie ! Côté romance, j’ai souvent lu de ce roman qu’il est « érotique » et même « sado-masochiste ». Je n’ai pas ressenti cela dans la mesure où les scènes de sexe sont plus dans la suggestion que dans le grand déballage. L’auteur garde une certaine pudeur dans ses descriptions et aucune scène n’est gratuite. Tout est calculé de manière à faire de l’héroïne une courtisane sensuelle et un brin pudique. J’ai beaucoup aimé cet aspect très nuancé à l’heure où la littérature dévoile à l’extrême l’intimité d’héroïnes à qui il reste autant de morale que de vêtements. La vulgarité n’a absolument pas sa place ici. Au contraire. Je regrette simplement que l’auteur n’ai pas un peu plus insisté sur le plaisir procuré par la douleur à l’héroïne. La lecture m’a plutôt montré de la souffrance au point que Phèdre se sente humiliée et pleure sans retenue, plutôt que de savourer et d’y prendre un plaisir immense. Je suppose que cela résulte du fait de ne pas vouloir tomber dans la vulgarité mais insister un peu plus n’aurait pas dénaturé l’oeuvre. Autre aspect à souligner : les intrigues. Politiques, guerrières, amoureuses… le roman fourmille d’histoires et de protagonistes qui essaient tous de tirer la couverture à eux. Au risque parfois de s’y perdre, on suit toutes les histoires en même temps que Phèdre avec un réel plaisir. L’intelligence demandée pour écrire un récit avec autant de niveaux de lecture est tout simplement remarquable.
Le roman a un rythme à l’image de son style : plutôt soutenu. Il faut dire que le roman compte pas loin de 100 chapitres de moins de 10 pages chacun. On n’a donc pas le temps de s’ennuyer même si je me suis plusieurs fois demandée où toute cette quête allait s’achever (à chaque fois que je me disais que le livre aurait pu s’arrêter là, un événement le faisait se poursuivre jusqu’à la fin naturelle qui ferme la boucle). Quelques longueurs scénaristiques sont donc à déplorer sur la fin mais aussi au début. L’auteur a choisi de nous raconter l’histoire de Phèdre dès sa plus jeune enfance et il faut à l’intrigue plus d’une centaine de pages avant de véritablement commencer.
Malgré tout, La Marque est une pure merveille qui ne dévoilera ses trésors qu’aux plus courageux. Après avoir fermé l’ouvrage, je me suis dit que la phrase d’accroche était finalement vraie : Phèdre est une héroïne que je n’oublierai jamais tant elle m’a émue et tant je me suis attachée à elle. La suite de ses aventures promet d’être une fois encore riche en rebondissements !

Pour qui : Les lecteurs fans d’une fantasy originale et qui n’ont pas peur de s’attaquer à un morceau de littérature.

Les + : Un univers riche, des personnages attachants, des intrigues passionnantes, le tout servit par une plume raffinée et élégante.

Les – : Quelques longueurs scénaristiques en début et fin de roman.

Infos pratiques

Relié: 781 pages
Editeur : Bragelonne (22 novembre 2008)
Langue : Français
ISBN-10: 2352942373
ISBN-13: 978-2352942375

 

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