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Une magie teintée de poison, de Judy I.Lin

Une magie teintée de poison, de Judy I.Lin (Le livre du thé, tome 1, éditions Hugo Publishing)

Ning vient de perdre sa mère après que celle-ci ait bu du thé empoisonné. Un thé préparé par Ning qui ignorait tout de ce qui se trouvait à l’intérieur de la tasse.
La jeune fille s’en veut énormément, d’autant plus que sa soeur souffre du même mal et est sur le point de succomber à son tour aux méfaits du poison.
Alors, quand elle apprend qu’un concours est organisé à la capitale pour devenir le nouveau préparateur en thé de la Princesse impériale, et obtenir ainsi une faveur qui pourrait sauver sa soeur, Ning n’hésite pas une seconde avant de se mettre en route.
Sur place, elle va découvrir un monde fait d’intrigues et de complots qui pourrait lui faire prendre conscience d’une horrible vérité.

Premier ouvrage que je lis de Judy I. Lin, je ne partais pas forcément pour le lire, et le hasard l’a conduit jusque dans mes mains.
De l’extérieur, je ne me sentais pas particulièrement attirée par une histoire centrée autour du thé. Même si j’aime cette boisson, le livre avait l’air d’en faire une chose ridiculement importante et je ne me sentais pas concernée.
Pourtant, je me suis laissée entrainer dans cet univers et j’ai passé un agréable moment en compagnie de Ning et de ses compagnons.
Ce qui m’a frappé, c’est l’écriture immersive et très gourmande. Plus je lisais et plus j’avais envie de découvrir la culture chinoise à travers ses saveurs, ses plats et ses boissons.
Le livre est fortement imprégné de cette culture riche en textures et saveurs que nous n’avons pas l’habitude de goûter sous nos latitudes. Les paysages et les environnements sont eux aussi très bien décrit et on est très vite plongé au coeur de l’histoire. C’était un plaisir pour moi de reprendre une tranche de quelques chapitres et de les savourer tranquillement installée chez moi.
Aussi, j’ai apprécié le personnage de Ning. Elle n’est pas parfaite et se laisse un peu trop vite séduire, le scénario est parfois complaisant avec elle, mais elle a des objectifs clairs et s’y tient.
L’histoire en elle-même n’est pas des plus originales mais elle fait le travail. J’ai passé un bon moment à suivre les péripéties de l’héroïne même si, comme je l’ai dit plus haut, le scénario est un peu trop facile par moments. La fin est pleine de surprises et donne vraiment envie de lire la suite. D’ailleurs, sans spoiler, une autre fin m’aurait déçue et je ne l’aurais pas trouvé crédible, mais une foule de rebondissements précipitent l’histoire jusqu’à son point final qui, bien que frustrant et légèrement déceptif, remplit sa fonction de nous donner envie de lire la suite. D’ailleurs, si celle-ci sort en France, je serai une des premières à la lire !
Je ne suis pas passée loin du coup de coeur avec Une magie teintée de poison, mais une chose m’a empêchée d’être totalement emballée. Il s’agit des contours de l’univers en lui-même.
En effet, on nous parle de magie dès le titre. Or, j’ai trouvé que le roman ne parle pas assez de cet aspect du monde, qui reste finalement assez réaliste dans sa façon de fonctionner et d’être représenté. Si bien que lorsque la magie intervient, je n’ai pas très bien saisi pourquoi ni comment. Est-ce une magie innée ? Est-ce qu’elle s’apprend ? Avons-nous affaire à des apprentis sorciers ou des fées ? Des humains normaux ou des créatures magiques ?
Judy I. Lin s’est d’avantage attachée à parler du poison que de la magie, ce qui est dommage puisque les deux thèmes occupent une place de choix dans le titre (même si, pour être honnête, je ne trouve pas que le titre fasse honneur au livre, surtout s’il s’adresse à un lectorat jeune qui n’utilise pas cette expression de « teintée de »).
La magie apparaît donc comme un prétexte qui n’intervient que pour faciliter l’histoire dans sa globalité, mais le monde pourrait très bien fonctionner sans elle. C’est ce qui m’a un peu perdue parfois.
En outre, j’aurais apprécié un personnage un peu plus asiatique sur la couverture, qui est magnifique de couleurs et d’effets.

Pour qui : Les lecteurs qui aiment les ouvrages immersifs dans une autre culture, les lecteurs qui aiment les lectures appétissantes et agréables à lire.

Les + : Un livre bien écrit, qui nous plonge vraiment au coeur d’une autre culture et nous donne l’eau à la bouche, des rebondissements réguliers qui créent un intérêt renouvelé à chaque page, des personnages attachants.

Les – : Le thème de la magie n’est pas très clair et pas suffisemment abordé ce qui rend les contours de cet univers un peu flous.

Infos pratiques
Éditeur ‏ :
‎ Stardust; Illustrated édition (11 janvier 2023)
Langue ‏ : ‎ Français
Broché ‏ : ‎ 432 pages
ISBN-10 ‏ : ‎ 2755663596
ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2755663594

Chroniques du pays des mères, d’Elisabeth Vonarburg

Lisbeï a été élevée pour devenir la future « Mère » de son peuple. Porteuse d’un don qui lui permet de voir l’aura des gens, elle semble promise à un avenir tout tracé dans ce monde où règnent les femmes après la quasi disparition des hommes.
Or, Lisbeï restera « une bleue ». Une femme qui ne peut pas donner la vie. Le pays des mères ne peut donc pas la garder.
Obligée de partir, elle deviendra une exploratrice, en quête des origines de son pays. A quoi ressemblait la vie d’avant la maladie qui a décidé la population et les hommes ?

On m’a présenté ce livre comme un chef d’oeuvre féministe, et j’étais emballée à l’idée de lire une histoire présentant un monde organisé par des femmes. Lorsque j’ai ouvert ce livre, j’espérais y trouver une sorte de prospective sur ce que pourrait être un monde féminin, une société féminine, quelles valeurs seraient mises en avant, comment cela fonctionnerait-il ?
Je n’ai rien trouvé de cela ou presque.
Disons que je cherche encore le féminisme.
Le livre m’a très vite déçue, et même ennuyée. Je m’étais pourtant déjà promis de ne plus rien lire dont le titre serait « chroniques de » ou « les chroniques de » car la plupart du temps, je suis déçue. Ces chroniques-là n’ont pas fait exception.
Le livre se découpe en plusieurs parties. La première, très longue, se passe au moment de l’enfance de Lisbeï, lorsqu’elle est à la garderie.
Très vite se pose la question de la sexualité, qui semble être le fil conducteur de tout le récit. Vraiment, cela préocupe TOUS les personnages, qui ne pensent qu’à ça du matin au soir.
Personnellement, j’ai très vite été ennuyée par les pensées immatures d’une petite fille de 6 ans préoccupée par la question « comment on fait les bébés ». Cette première partie est très longue, mais permet d’introduire l’univers de l’autrice. Ainsi on découvre le système de couleurs, le traitement des garçons et des filles, la hiérarchie… Et cela m’a géné pour plusieurs raisons.
Premièrement, le style du livre.
Tout traîne, c’est très long car très passif. Le lecteur n’est jamais au coeur de l’action mais on lui donne plutôt les informations a posteriori. On a parfois des gens qui parlent mais on ne sait pas bien qui ils sont, ils font des sous-entendus qu’on ne comprends pas, sur des sujets qui ne sont pas spécialement abordés plus tard (pouvoir, histoire tracée, filliastion…). Pour moi, cela a très vite créé un sentiment de confusion, renforcé par les partis pris de l’autrice.
Cette dernière, sans doute pour ancrer la singularité de son univers et le féminiser au maximum, réinterprète les mots, la grammaire… ce qui m’a complètement perdue. Je ne suis pas fan des auteurs qui veulent réinventer la poudre au prétexte de créer tout un monde. Cela crée de la confusion sans atteindre le but premier qui est d’obtenir un monde vraiment a part, original. Or, je pense vraiment que l’on peut créer un monde fort et impactant en utilisant notre langue actuelle et sa conjugaison. Certes, le français est une langue plutôt masculine à cause de son histoire (l’Académie Française), mais ce n’est pas une raison pour la jeter aux orties et la réinterpréter d’une manière qui déroute et fait perdre du sens au langage réel du lecteur qui lit.
En outre, cette féminisation à outrance m’a beaucoup génée dans la mesure où l’oeuvre marginalise les hommes, les mets au banc de la société, les considère mal, voire les maltraite. En fait, l’autrice fait aux hommes ce qu’elle semble vouloir dénoncer pour les femmes. Dès lors, ce n’est pas pour moi une oeuvre fémininste mais bien l’illustration d’un patriarcat inversé. Sauf que, pour moi (et c’est tout personnel), le féministe est l’égalité des sexes, pas leur opposition.
Ainsi, tout balayer pour tout féminiser, se moquer des garçons, des hommes, glorifier les relations homosexuelles et ne traiter les relations hétéro que par un prisme étrange qui fait passer chaque rapport pour un viol… ce n’est pas du tout ce que je cherchais en lisant ce livre.
Mais peut-être suis-je complètement passée à côté de l’oeuvre ? J’avoue ne pas avoir tout saisi tant le style passif est tortueux, les non-dits nombreux… Ce livre n’a été pour moi qu’un profond ennui incompréhensible.
Dire qu’on me l’a présenté comme un chef-d’oeuvre ! Le bandeau qui entoure le livre fait pourtant état de plusieurs prix (Prix Boréal, Prix Aurora), donc il n’est pas impossible que je sois totalement passée à côté. Mais pourquoi tant de gens l’érigent-ils en pépite du genre ? L’ont-ils lu ? Le trouvent-ils super parce qu’on leur a dit que ça l’était, ou pour ce qu’il est vraiment ?
Je n’ai pas la réponse.
Un autre point à signaler est que ce titre est sorti pour la première fois en 1992. Ce n’est pas vieux et pourtant suffisamment pour que les mentalités aient évolués depuis. Surtout après la vague Me Too, formidable accélérateur en matière de féminisme.
Dès lors, je me demande ce que je dois penser de cette oeuvre qui n’est pas du tout en lien avec ma propre vision du féminisme. Est-ce que, au fil du temps, le texte n’est-il pas devenu un objet propice à la réflexion, au questionnement de ce qu’est le féminisme pour chacun d’entre nous, plutôt qu’une réponse à la question « qu’est-ce que le féminisme » ? On passerait ainsi à « qu’est-ce que le féminisme, pour vous » ? L’oeuvre devient alors un support, une base pour ouvrir un dialogue et échanger des idées sur la question.
C’est ce que j’aime en littérature : quand elle me fait me questionner sur le monde qui m’entoure.
Ainsi, Chroniques du pays des mères n’aura pas réussi à me faire passer un bon moment, mais il aura eu le mérite de m’aider à éclaircir mes opinions sur cette question centrale dans notre société moderne.

Pour qui : pour les personnes qui veulent découvrir des titres primés en SF, ceux qui veulent se questionner et n’ont pas peur d’un style indirect et passif.

Les + : Le livre nous propose une vision ultra féminisée d’un monde et nous oblige donc à nous questionner dessus.

Les – : je n’ai pas compris le livre, pas compris la fin, tout était brouillon et écrit d’une manière floue et passive. Lisbeï a des pouvoirs mais on ne comprend pas vraiment lesquels ni ce qu’ils impliquent, pourquoi la découverte d’un carnet fait tant parler, quelles conséquences, pourquoi devenir exploratrice… beaucoup de questions peu abordées ou dont les réponses restent floues. Je n’ai pas toujours bien compris les motivations des protagonistes. Le sexe est très présent dans le livre et est souvent abordé d’une manière que je n’ai pas trouvé très saine (faux air de viols, abus de pouvoir, héroïne qui subit des rapports plus qu’elle ne les désire, histoires incestueuses…).

Infos pratiques
Éditeur ‏ :
‎ Folio (7 janvier 2021)
Langue ‏ : ‎ Français
Poche ‏ : ‎ 784 pages
ISBN-10 ‏ : ‎ 2072906326
ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2072906329

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